Comme j’ai pu le mentionner à quelques reprises au cours de la session, je travaille dans une commission scolaire et l’éducation représente un enjeu de taille qui me tient à cœur. Ainsi, vous le devinerez, le milieu immédiat dans lequel j’évolue est celui que j’ai décidé d’analyser, il s’agit du domaine de l’éducation. J’analyserai le phénomène au niveau de l’enseignement et de l’apprentissage, mais également au niveau de l’image de marque de l’institution. La communication représente, à mon sens, un besoin crucial dans les relations, et les technologies de l’information ont littéralement révolutionné les moyens de communication traditionnels. Mon baccalauréat en communication et la maîtrise en technologies de l’information que je suis en train de poursuivre démontrent bien mon intérêt pour les nouveaux outils de relations sociales, pour le web social. Qui plus est, comme nous l’avons appris dans le cadre du cours, l’éducation représente un « [pilier important] de la vie en collectivité et tout changement [le] touchant aura potentiellement un impact direct sur toutes les autres sphères et le cours de la société en général » (INF6107, 2011).
Comme nous l’avons vu dans le cadre du cours, deux écoles de pensée dominent le domaine de l’éducation : apprendre à apprendre ou apprendre des connaissances. Personnellement, je crois que les deux sont complémentaires et nécessaires à une formation complète. Il est évident que le web social puisse favoriser l’apprentissage de connaissances, mais cette façon d’aller chercher de l’information, comme toutes les autres méthodes, s’apprend et se structure. Un récent article de La Presse intitulé Nos élèves, illettrés numériques évoquait justement le fait que les professeurs demandent à leurs élèves de faire des recherches sur le web, mais ne leur montrent pas comment procéder (vérifier la crédibilité d’une source d’information, diversifier ces sources, etc.), ce qui crée le phénomène des analphabètes numériques. Or, je ne crois pas que le web social suffise à acquérir les connaissances de base nécessaire à une culture générale respectable. Le rôle de l’école demeure important, autant pour inculquer les connaissances de base que pour apprendre à utiliser les outils dont nous disposons pour apprendre convenablement.
Outre les institutions scolaires qui imposent un cadre normalisé pour l’enseignement, Internet permet l’autoformation, c’est-à-dire l’acquisition de connaissances en se renseignant soi-même avec les moyens dont nous disposons, entre autres par le biais de réseaux d’échanges. Ainsi, en continuité avec ce qui vient tout juste d’être évoqué, je considère que le web social vient en aide à l’apprentissage de connaissances complémentaires lorsque le désir de se spécialiser dans une branche particulière est prononcé, ce qui justifie sa présence dans l’éducation. Le rôle du web social dans l’éducation est donc un complément à ce que les institutions d’enseignement peuvent offrir.
Le bilan du moment, dans le domaine de l’éducation, c’est qu’il y a tout de même une grosse volonté de s’impliquer dans le web social. Malheureusement, cette volonté est très limitée. Dans les classes, on observe un phénomène contradictoire : les instances en force du milieu scolaire sont conscientes de l’importance et de l’ampleur du web social chez les jeunes, mais cette réalité est très effrayante pour elles. Internet représente un univers tellement vaste et sans limite que les écoles ne peuvent se permettre, en tant qu’institutions publiques, de laisser les jeunes en toute liberté sans craindre que cela ne dégénère. Ainsi, l’école n’a d’autre choix que de restreindre plusieurs accès sur Internet, ce qui limite de beaucoup les possibilités. Tous les sites à caractère sexuel, à connotation vulgaire et même les sites de réseaux sociaux sont bloqués. Ce principe tient la route dans la mesure où ces sujets nuisent à l’enseignement, mais puisque le filtre est très sensible, je crois que cette restriction nuit également à l’apprentissage. Le même filtre est appliqué sur les postes informatiques des employés. Au primaire, le téléphone cellulaire est interdit dans les classes et comme le web social passe de plus en plus par la mobilité, nous faisons face à un autre frein. L’autre obstacle que nous rencontrons concerne les enseignants qui ne détiennent plus la connaissance absolue. Tout évolue à une vitesse faramineuse. Il devient quasi-impossible de se tenir constamment à jour. Cette surcharge informationnelle constitue tout un coup d’humilité pour les enseignants qui devront apprendre à accepter cette réalité et s’y adapter s’ils veulent mettre à jour leurs pratiques d’enseignement.
Sinon, la tendance technologique interactive du moment repose sur les tableaux blancs interactifs (TBI). L’instauration de TBI dans plus de la moitié des classes démontre bien l’intérêt marqué pour intégrer le web social dans l’enseignement. En fait, j’ignore dans quelle mesure nous pouvons considérer que le TBI représente un outil du web social puisqu’il crée une interaction grâce au web, mais cet aspect social se concrétise de vives voix dans les relations en classe et non en ligne. Je pense tout de même qu’il vaille la peine de mentionner l’apport de ce nouveau dispositif d’apprentissage.
L’intégration du web social ne se manifeste pas seulement dans les classes, mais également à l’échelle de la commission scolaire. Au bureau des communications de la commission scolaire à laquelle je travaille, il y a vraiment une forte volonté d’utiliser le web participatif pour effectuer nos communications internes et externes. Il s’agit d’un enjeu tellement présent et actuel que l’Association des cadres scolaires du Québec (ACSQ) a organisé une conférence de trois jours, du 13 au 15 avril dernier, pour informer et outiller les professionnels du milieu quant à l’utilisation des nouveaux médias à l’ère du web 2.0. Malheureusement, tout comme dans les classes, cette nouvelle façon de communiquer devient très restrictive. La structure bureaucratique formelle étant très présente dans les commissions scolaires, tout changement doit être approuvé et encadré. Du côté de ma commission scolaire, après un long processus pour s’entendre sur la composition de notre stratégie de web social, nous devrions être enfin en mesure, dans les prochaines semaines, de déployer une stratégie de communication sur les réseaux sociaux. Nous avons d’abord ciblé Twitter pour faire nos relations de presse, visant nos journalistes dans un premier temps et nos publics externes dans un deuxième temps. Nous abordons également la possibilité de lancer un blogue, mais comme mentionné, puisque tout échange présuppose un contrôle, je crains que nos blogues perdent leur valeur collaborative et ainsi, leur essence même. C’est un dossier qui évolue à basse vitesse, mais tout de même, la réflexion est omniprésente. Outre ma commission scolaire, dans le paysage éducationnel, on remarque tout de même que plusieurs commissions scolaires et cégep sont sur les réseaux sociaux pour faire leur promotion et leurs relations publiques. Par exemple, le Cégep de La Poquetière est très actif dans le domaine. Finalement, avec les cours à distance qui sont de plus en plus populaires, les universités sont également dans la course au web social.
L’éducation dans 1 an
À court terme, disons d’ici la prochaine année, je pense que nous pouvons nous attendre à ce que l’engouement actuel pour le web social continue de monter en flèche. L’émergence croissante de l’entreprise numérique nous laisse croire que nous n’avons pas à nous inquiéter quant à l’avenir immédiat du web social. D’ailleurs, un récent article intitulé La deuxième vie des wikis appréhende un retour en force des wikis en aide à la pédagogie. L’article mentionne que les wikis permettront aux élèves de se familiariser avec l’édition web, d’encourager le travail collaboratif et de favoriser les échanges étudiants en facilitant le travail à distance.
Ainsi, sur le terrain, c’est-à-dire dans les classes primaires et secondaires, j’appréhende une petite évolution, plutôt minime. En continuité avec ce qui a déjà été réfléchi et implanté (les TBI, les wikis, la classe Garçons branchés dans laquelle tous les élèves possèdent un ordinateur portable, etc.), le web social suivra son cours, mais à faible vitesse compte tenu des problèmes de restriction préalablement mentionnés. Ces règles imposées concernant l’utilisation des TIC sont encore beaucoup trop strictes et complexes à gérer pour les écoles qui ont bien d’autres préoccupations. Alors, à moins qu’une personne prenne le projet en main et révolutionne les pratiques, il ne se passera, à priori, rien d’extravagant l’année prochaine.
À l’échelle de la commission scolaire, nous pouvons nous attendre à ce qu’il y ait eu de petits développements. De nombreuses commissions scolaires sont présentement en mode réflexion et expérimentation. L’année prochaine, certaines seront en mode application et plusieurs autres, en évaluation. Je crois que l’an prochain, nous serons davantage capables de mesurer les efforts et d’apprendre des erreurs dans ce grand tourbillon qu’est le web social.
Pour ce qui est de l’enseignement collégial et universitaire, je suis certaine que le web social gardera la place qu’il occupe en ce moment, c’est-à-dire, une place assez importante. Les portails étudiants comme Moodle et WebCT et les forums de discussions qui créent des communautés selon les groupes de cours fonctionnent merveilleusement bien et sont très pratiques. Je ne vois pas pourquoi, à court terme, on changerait un système qui répond aux besoins éducatifs. Les cours à distance garderont aussi leur place prépondérante. Dans notre société de performance qui prône l’excellence et où le temps nous manque pour arriver à faire tout ce qu’il FAUT faire dans une journée, je suis la première à reconnaître la praticité des cours à distance. Ils s’adaptent parfaitement aux différents rythmes d’apprentissage et aux différents horaires. Une fois de plus, nous ne changerons pas une formule gagnante.
L’éducation dans 5 ans
Dans cinq ans, ce sera la génération de ma petite sœur qui va entrer sur le marché du travail, c’est-à-dire la génération qui a réellement grandi à l’ère du web 2.0. Comment le web social aura-t-il évolué au centre de l’éducation dans cinq ans? Cette question est vraiment complexe puisque j’entrevois deux possibilités. D’une part, dans les classes primaires et secondaires, je pense qu’il soit possible que les outils du web social soient tellement ancrés en cette génération qui accaparera le marché du travail que nous pourrions ne même pas nous poser de questions, en ce sens qu’il est évident que le web social prendra une place de premier plan dans les différentes sphères scolaires. Comme l’a mentionné M. Marc Prensky dans le texte Une école pour les natifs de l’univers numérique : « au lieu de bannir certaines de ces technologies de la salle de classe, ne serait-il pas mieux de favoriser leur appropriation dans un contexte d’apprentissage afin que, par exemple, le téléphone cellulaire […] puisse se métamorphoser en un puissant outil didactique » (Dumais, 2009). À l’heure actuelle, ce que j’entends des parents des élèves, c’est que tout ce que l’école enseigne, c’est la discipline. Lors des réunions de parents, 50 minutes sur 60 sont consacrés aux règlements, contrôles et mesures disciplinaires. Et la pédagogie? Probablement que ceux qu’on nomme les natifs de l’univers numériques n’auront aucune difficulté à gérer tout ce qui pour nous semble être une montagne : « la force des natifs du numérique réside dans leur habileté à s’approprier les outils technologiques afin de les intégrer dans un processus d’apprentissage et de création » (Dumais, 2009). La journée où les natifs de l’univers numériques combineront leurs forces technologiques à leur expertise pédagogique, nous aurons peut-être affaire à un changement radical. Après tout, nous vivons des réformes par-dessus réformes, pourquoi la prochaine ne serait-elle pas en lien avec les nouveaux outils technologiques?
D’autre part, j’évalue la possibilité qu’il y ait eu une petite révolution contre les technologies de l’information. En effet, la tendance récente qui plane évoque le fait qu’il y a peut-être une surexploitation des TI et de ses dérivés comme le web social dans tous les domaines de la vie (Fusaro, 2011). En ce moment, c’est presqu’une mode, être sur les réseaux sociaux. Les entreprises lucratives y trouvent vraisemblablement leur compte et sont probablement capables de chiffrer leurs investissements liés au web social et à l’interaction qu’elles entretiennent avec leur réseau, mais pour une commission scolaire, c’est plus difficile à justifier. En ce moment, nous ne nous posons pratiquement pas de questions ; tout le monde est sur les réseaux sociaux, donc j’y suis. Mais qu’est-ce qu’une commission scolaire a à y gagner? Une visibilité, une notoriété! Assurément. Mais l’investissement en vaut-il la chandelle ou bien le public cible d’une institution publique n’est-il pas déjà un peu acquis? Au moins, au cégep, il y a un enjeu. Les cégeps et universités doivent faire la promotion de leurs services et de leur offre de programmes pour recruter des étudiants, mais au primaire et au secondaire, ce sont les jeunes du territoire qui s’inscrivent. Je considère qu’il est bien pour une commission scolaire de profiter des outils qu’offre le web social pour entretenir ses relations, de rester en contact direct avec sa communauté mais à quel prix? Et qui sait? Peut-être que les commissions scolaires seront abolies dans cinq ans… Ainsi, je me demande si, dans cinq ans, nous nous serons aperçus que la volonté d’intégrer le web social partout est injustifiée. Aussi, il ne faut pas négliger les réfractaires; il en existe beaucoup, autant chez les jeunes que chez les plus vieux. Le questionnement à l’heure actuelle est donc : ont-ils raison de se montrer si réticents? Imposons-nous trop les TI dans toutes les sphères de la société?
Au niveau collégial et universitaire, je crois également que les techniques d’apprentissage seront davantage nombreuses et adaptées. Elles se seront perfectionnées à l’aide des outils plus spécialisés et de seront plus connues auprès de la population. Les établissements d’étude postsecondaire sont davantage tournés vers les nouvelles technologies et l’importance des interactions sociales et ont plus d’argent pour exploiter les ressources du web social.
En résumé, je crois que le web social prendra une large place dans la société dans cinq ans, mais son intégration dans le milieu scolaire sera plus réfléchie puisque les acteurs du milieu scolaire seront plus en connaissance de cause et renfermeront une meilleure expertise.
L’éducation dans 20 ans
Dans 20 ans, je résume la situation à, soit un crash des technologies de l’information ou soit une totale emprise des technologies dans toutes les sphères de la société, bref, les deux extrêmes. Sérieusement, on a tendance à penser que les nouvelles technologies sont invincibles, mais elles comportent des limites. La capacité de stockage ainsi que la capacité physique, de refroidissement par exemple, représentent des problèmes à l’heure actuelle. Bref, nous pouvons penser que ces limites seront résolues dans vingt ans, mais j’ai terriblement peur, qu’un jour, nous épuisions toutes nos ressources en les surexploitant. Voilà pourquoi je n’exclue pas la possibilité d’un écrasement technologique.
D’un point de vue plus positif, je suis convaincue que, dans 20 ans, tous les jeunes auront chacun leur téléphone intelligent. Déjà, cette tendance se matérialise. Les adolescents se procurent des outils technologiques de plus en plus sophistiqués et ce, de plus en plus tôt dans leur jeune vie. Ces téléphones serviront d’interfaces pour absolument tout. Cette vidéo démontre à quoi notre futur pourrait ressembler. Fini les sacs d’école! Tout ce que les étudiants auront besoin se retrouvera dans leur téléphone intelligent.
Pour ce qui est du problème de réglementations qui subsistent dans les classes en ce moment, il sera probablement réglé par une quelconque gouvernance mondiale gérant Internet. Inquiétant? Oui.
Pouvons-nous penser que dans 20 ans, les professeurs seront remplacés par les robots? C’est une possibilité. Le 14 février dernier, le robot d’IBM, Watson, a démontré tout son potentiel au jeu télévisé Jeopardy. Ce ne sera pas long avant que les automates intelligents remplacent des postes avec de grandes responsabilités. Cela fait déjà quelques années que plusieurs croupiers du casino ont été remplacés, pourquoi pas les professeurs?
Évidemment, il est plus difficile de prédire ce qui se passera localement sur une aussi longue période de temps, mais internationalement, j’ose espérer que le web social viendra en aide au pays plus défavorisé. Le 13 février dernier, Guy A. Lepage recevait à son émission Tout le monde en parle le chanteur africain Tiken Jah Fakoly. Avec son album African revolution et grâce aux récents bouleversements en Tunisie et en Égypte, le chanteur espère réveiller son continent et lui donner espoir. Pour lui, le seul moyen de réveiller l’Afrique, c’est en éduquant ses habitants. L’éducation représente un enjeu primordial pour que son peuple bénéficie enfin des droits et libertés qui lui revient. Si le web social peut favoriser la révolution africaine d’ici les vingt prochaines années en favorisant l’éducation et l’acquisition de connaissances, nous aurons fait un grand pas pour l’humanité.